jeudi 4 juin 2020

Alors que les années avaient passé...


...Un vent mauvais soufflait sur les plaines désolées de la Pangolinie Septentrionale. Sifflant et rageur, il s’insinuait entre les interstices des carcasses d’immenses machines de guerre, vestiges rouillés d’un antique conflit. Plus de 5 ans avaient passé depuis les derniers coups de feu, autant dire une éternité à l’aune de l’échelle des temps d’Internet. De rafales en bourrasques, le vent continua à porter ses morsures plus au nord, emportant au passage quelques flocons de neige dont la pureté opalescente contrastait avec le morne paysage. Il buta soudain sur d’immenses et lugubres portes blindées, auxquelles ne manquait que l’épitaphe « toi qui pénètre ici, abandonne tout espoir » pour que l’on se pensât aux abords de l’enfer. Le zéphir n’insistât point et continua sa course boréale. Certaines choses doivent rester enfouie à tout jamais, et tel était le cas de la terrible base d’entrainement, la sinistre TBA des rolystes.  

S’il s’était toutefois attardé, il eut pu remarquer quelques traces de pas dans la neige, indice d’une activité anormale en ces lieux abandonnés. Et s’il avait osé pénétrer entre les inquiétants battants, il aurait remarqué que l’immaculée couche de givre qui voilait pudiquement d’anciennes et obscures abjections était souillé en plusieurs endroits, signe que la présence impie avait osé pénétrer plus profond, jusqu’au cœur de la TBA. L’intrus s’y signalait par les chuchotements et les interjections propres aux esprits dérangés qui ne peuvent communiquer qu’avec eux-mêmes, s’enfermant en un dérangeant et interminable monologue. L’importun aliéné venait tout juste de se glisser dans la plus profonde des salles, dont les murs étaient couverts de puissants ordinateurs aux proportions cyclopéennes. La silhouette se glissa entre plusieurs immenses cylindres, frottant des hublots embués de condensation, et dont les inscriptions indiquaient en toutes lettres : « caisson d’hibernation » (à l’exception d’un seul qui préférait un plus baroque : « Késson d’Ibernassion »). Le monologue passa alors des chuchotements suintants aux petites exclamations d’excitation :

« Les oracles Ratrassiennes disaient vraie ! Oh oui, elles disaient vraie ! Ils sont là ! Ils sont tous là ! »

Tout à son excitation, l’intrus se dirigea vers un archaïque levier, et se mit à forcer pour l’activer. Ce dernier cédât finalement à sa gangue de rouille dans un crissement qui rappelait un avertissement articulé en un hurlement de terreur. Mais il était trop tard. Les ordinateurs ronronnaient déjà, et une vibration sourde marqua un réveil impie. L’instigateur de cette résurrection ne put longtemps savourer son triomphe. Il avait longtemps étudié les rolystes, et y avait laissé sa santé mentale. Mais rien ne l’avait préparé au mécanisme de défense de la TBA. Une vidéo, ou plutôt un salmigondis de couleurs, s’afficha en simultané sur tous les écrans tandis qu’un horrible son était diffusé à plein volume par les hauts parleurs.




L’intrus n’y survécu pas. A l’extérieur, une volée de charognards s’envola en un concert de croassement dont l’harmonie était bien supérieure au bruit qui les avaient dérangés dans leur macabre festin. Un des cylindres finit par s’ouvrir, et les premiers mots d’un rolyste résonnèrent comme un funeste avertissement :

« C’est moi ou on se les caille grave ici ? »

Bon admettons le, ce ne furent peut-être pas les premiers mots d’un retour à la vie les plus inspirés qui soit. Mais bon, on construit une légende avec ce qu’on a.

Clément.

3 commentaires:

J.M. a dit…

Il y a encore de l'activité ici [O.ô] !!

Clement a dit…

Les mauvaises herbes ont la vie dure...

Pseudo a dit…

N'est pas mort ce qui à jamais dort Et au long des siècles peut mourir même la mort