...Un vent mauvais soufflait sur les plaines désolées de la
Pangolinie Septentrionale. Sifflant et rageur, il s’insinuait entre les
interstices des carcasses d’immenses machines de guerre, vestiges rouillés d’un
antique conflit. Plus de 5 ans avaient passé depuis les derniers coups de feu,
autant dire une éternité à l’aune de l’échelle des temps d’Internet. De rafales
en bourrasques, le vent continua à porter ses morsures plus au nord, emportant
au passage quelques flocons de neige dont la pureté opalescente contrastait
avec le morne paysage. Il buta soudain sur d’immenses et lugubres portes
blindées, auxquelles ne manquait que l’épitaphe « toi qui pénètre ici, abandonne
tout espoir » pour que l’on se pensât aux abords de l’enfer. Le zéphir n’insistât
point et continua sa course boréale. Certaines choses doivent rester enfouie à
tout jamais, et tel était le cas de la terrible base d’entrainement, la
sinistre TBA des rolystes.
S’il s’était toutefois attardé, il eut pu remarquer quelques
traces de pas dans la neige, indice d’une activité anormale en ces lieux abandonnés.
Et s’il avait osé pénétrer entre les inquiétants battants, il aurait remarqué
que l’immaculée couche de givre qui voilait pudiquement d’anciennes et obscures
abjections était souillé en plusieurs endroits, signe que la présence impie
avait osé pénétrer plus profond, jusqu’au cœur de la TBA. L’intrus s’y
signalait par les chuchotements et les interjections propres aux esprits
dérangés qui ne peuvent communiquer qu’avec eux-mêmes, s’enfermant en un
dérangeant et interminable monologue. L’importun aliéné venait tout juste de se
glisser dans la plus profonde des salles, dont les murs étaient couverts de puissants
ordinateurs aux proportions cyclopéennes. La silhouette se glissa entre
plusieurs immenses cylindres, frottant des hublots embués de condensation, et
dont les inscriptions indiquaient en toutes lettres : « caisson
d’hibernation » (à l’exception d’un seul qui préférait un plus baroque :
« Késson d’Ibernassion »). Le monologue passa alors des chuchotements
suintants aux petites exclamations d’excitation :
« Les oracles Ratrassiennes disaient vraie ! Oh
oui, elles disaient vraie ! Ils sont là ! Ils sont tous là ! »
Tout à son excitation, l’intrus se dirigea vers un archaïque
levier, et se mit à forcer pour l’activer. Ce dernier cédât finalement à sa
gangue de rouille dans un crissement qui rappelait un avertissement articulé en
un hurlement de terreur. Mais il était trop tard. Les ordinateurs ronronnaient
déjà, et une vibration sourde marqua un réveil impie. L’instigateur de cette résurrection
ne put longtemps savourer son triomphe. Il avait longtemps étudié les rolystes,
et y avait laissé sa santé mentale. Mais rien ne l’avait préparé au mécanisme
de défense de la TBA. Une vidéo, ou plutôt un salmigondis de couleurs, s’afficha
en simultané sur tous les écrans tandis qu’un horrible son était diffusé à
plein volume par les hauts parleurs.
L’intrus n’y survécu pas. A l’extérieur, une volée de
charognards s’envola en un concert de croassement dont l’harmonie était bien
supérieure au bruit qui les avaient dérangés dans leur macabre festin. Un des
cylindres finit par s’ouvrir, et les premiers mots d’un rolyste résonnèrent
comme un funeste avertissement :
« C’est moi ou on se les caille grave ici ? »
Bon admettons le, ce ne furent peut-être pas les premiers
mots d’un retour à la vie les plus inspirés qui soit. Mais bon, on construit
une légende avec ce qu’on a.
Clément.
Clément.
3 commentaires:
Il y a encore de l'activité ici [O.ô] !!
Les mauvaises herbes ont la vie dure...
N'est pas mort ce qui à jamais dort Et au long des siècles peut mourir même la mort
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